Native de Boulogne-Billancourt, Claire Boitel, née en 1972, est une romancière et poète française. Après avoir écrit
régulièrement des poèmes rimés dès l’âge de sept ans, puis par assonances, peu après, elle écrit en vers libres et sous la
forme de poèmes en prose à dix-sept ans, ainsi que quelques nouvelles, et publie trois recueils de poèmes aux éditions
Librairie-Galerie Racine.
Ses poèmes sont publiés dans de nombreuses revues et figurent également dans une dizaine d’anthologies. Elle publie trois romans en 2010 aux éditions Edilivre : Au nom des incandescences, Le Bal de l’observatoire et Journal d’un iota, puis un roman en 2020 : Vitamines noires (éditions Rafael de Surtis, préface de Frédéric Tison). Jean Breton a perçu en Claire Boitel une créatrice «au service d’une énergie parfois rimbaldienne, qui ne nous laisse pas de trêve».
Claire Boitel collabore depuis 2022 à la revue Poésie Première.
Les éditions Fables fertiles sont heureuses d’accueillir en avril 2022 La nuit est toi, fabuleux récit où les repères s’emmêlent et révèlent, usant d’une sorte de «méthode spontanée de connaissance irrationnelle» pour reprendre les mots-programme de Salvador Dalí.

Ils en ont parlé (à propos de “La nuit est toi”) :
“… une mystique sans dieu, une Thérèse d’un Lisieux qui ne se lirait sur aucune carte. Elle brûle, elle se consume. (…)” (Pierre Perrin). Article complet sur le site “Le frais regard” de Pierre Perrin :http://lefraisregard.free.fr/boinuit.php
in Incoherism (“Avant-gardes et philosophies de l’Eveil”), le 2 mai 2022 : “On prend ce livre comme une drogue lente. Les mots fascinent, s’écoulent dans les veines du lecteur pour envahir toute la conscience et ouvrir les imaginaires les plus sombres, les imaginaires assassins, qui produisent de purs diamants étincelants.” Lire : La nuit est toi de Claire Boitel | incoherism (wordpress.com)
in Lettres Capitales (lauréat du Prix Rive Gauche, Paris, 2021). Entretien réalisé par Etienne Ruhaud : Interview. Claire Boitel : « La langue est le personnage principal, celui qui seul s’adresse au cœur esthétique du Lecteur » – (lettrescapitales.com)
“… ses vingt-huit chapitres ont fulguré, incandescence de cruauté lyrique, comète d’un esprit conquis par la primauté du verbe et qui transfigure l’imaginaire en vertige. Le percept l’emporte sur le concept, avec une féroce élégance” (Nicolas Florence, médecin et romancier, poète et novéliste belge de langue française)
Par Noureddine Ben Bachir, écrivain* :
Je viens de finir le livre de Claire Boitel ” La nuit est toi” paru aux Editions Éditions Fables Fertiles (…). Alors, allons-y : tout d’abord, poésie. Et de la meilleure : tranchante, en arêtes saisissant le dur comme le mou, la lumière, le ciel pour les révéler dans des visions surprenantes, sans concession, où il est assuré que ce que l’on voit, sent, parle, touche, participe du grand corps infecte et magnifique de ce monde sur lequel se culbutent nos mots. Il n’y a pas ici une chose qui n’en boive pas une autre, pas un contenant qui ne devienne contenu, pas une lumière qui ne trouve sa transparence noire. Ecoutons : ” C’est l’orage. La succion de la pluie sur les feuilles. Le train du tonnerre le long des crêtes. De temps à autre, la foudre, l’orgasme.” ” En bas, le lac se déshabillait de la brume”. Secouées, les habitudes et les fausses évidences de la langue : le parti pris des mots, ici, passe outre la convention arbitraire du signe. Les mots retrouvent le sang et les noces de la chose : exit les coquilles vides et sèches, les flux circulent, pas de place pour les excès de répétitions et d’imitations dont meurt l’écriture. Les phrases sont imprévisibles, elles se régénèrent sans se fixer, même quand elles semblent revenir sur le même thème.
Le texte est un récit. Moins polyphonique que multimiroirs. Il y a Eléonore, la blonde rousse et ce si beau jeune-homme se délectant du sang du crime. Quelle est l’histoire? On ne sait pas. Il n’en existe pas de version linéaire et le récit annoncé ne se saisit pas à qui voudrait le circonscrire. Peut-être même n’ y a-t-il pas de version du tout, l’hypothèse que tout cela ne soit advenu que dans le manuscrit écrit par Eléonore jeune ne pouvant être écartée. A moins que…
Le statut de la réalité ne repose sur rien de solide entre Éléonore, ce jeune homme envoûtant de beauté et le vieil homme qui fait des apparitions. C’est une atmosphère fascinante, hypnotique qui règne dès le début. D’emblée on entre dans une situation onirique où les places changent, où les visages semblent glisser d’un corps à l’autre, où l’on n’est pas assuré de son image sur le miroir pas plus que des limites de son être. La vie se dit en viscères et chairs découpées au couteau d’un Bacon, une situation se diffracte dans une autre jusqu’au vertige, le vaste corps du monde nage dans les tentatives de ces trois-là de se trouver, de se tuer, de réparer sans jamais en venir à bout de l’élan de vie et de mort. Il sont empêtrés et exultent de dériver dans le magma sismique de la chair défiant toute parole. Pas un d’eux n’arrive à stabiliser une image de lui-même, dont il ferait enveloppe de vie enchâssée dans un récit donnant sens à celle-ci. L’ espace-temps est morceaux sublimes, les demeures sont en errance comme les corps et les éléments
Il y a cependant ce manuscrit mystérieux, au bout du compte bien existant, bien délimité. Que fait un livre sur le monde et les êtres? C’est peut- être l’une des questions de ce texte. Que font les êtres aux êtres, puisqu’il est raisonnable de compter la sauvagerie au principe de l’humain? Quelle est cette violence sombre et assoiffée au cœur de l’aimantation littéraire et amoureuse?
On pense à David Lynch, à son Mullholland Drive, lui le peintre cinéaste. Claire Boitel nous livre un Mullholland littéraire : jeux spéculaires jusqu’à vomir nos tripes d’existence avant de ricocher sur un autre visage–le nôtre, celui d’un aimé-et d’avaler un être de passage. Mastication, succion et digestion sont à la base du lien, et plus encore quand il oscille entre amour et passion, ce livre en prend acte après Freud. Le regard est cette belle supercherie à l’iris envoûtant. Les visages vacillent. La beauté de ce livre tient dans tous ces retournements qui affectent la langue elle-même, laquelle se recrée pour nous faire entrer dans le mystère de cette Eléonore qui nous ressemble à s’y méprendre. En elle, par elle, la vie humaine cesse de mentir sur le cannibale merveilleux et atroce que nous sommes. Alors, dévorez-le ce livre. Osez.
Nourredine Ben Bachir, écrivain*, 9 juin 2022
* Noureddine Ben Bachir est l’auteur du roman “Les mots de la nuit“, publié en février 2022 aux éditions L’Harmattan.