Série (juillet 2022)
Chers auteurs,
Ne vous laissez surtout jamais inconsidérément bercer par les propos de cet éditeur qui vous dit que votre texte est juste sublime et qu’il compte de ce fait l’éditer dans son plus simple appareil de perfection révélée.
L’éditeur qui vous tient tel type de discours vous cache, soit :
– un aveu d’incompétence ;
– un calcul “coût” du temps qu’il aurait à passer, s’il devait examiner avec vous votre texte au plus près ;
– cet autre aveu qu’un texte qui se tient plutôt bien suffit amplement à sa peine ; qu’il faut bien vivre.
Telles motivations inavouées que peut contenir le discours susdit peuvent bien sûr être mêlées.
Mais votre texte, dans tout cela ? Est-il sublime ?
Cette probabilité, quasiment aussi têtue que les faits qu’elle risque fort d’annoncer, qu’au siècle prochain, votre ouvrage apparaisse aux côtés des trente ou cinquante chefs-d’œuvre incontestés que compterait la littérature du XXIème siècle, est presque aussi mince qu’un papier à cigarette électronique.
Quand bien même, l’état d’un texte sublime avant son achèvement, c’est par exemple celui de la Recherche de Marcel Proust (raturé, biffé, biffé et encore biffé, soumis à bien des estimations croisées, et jusqu’à tard au sein du processus éditorial, remanié, jusqu’à l’agencement même au moment des épreuves).
Alors soyez humble, et si l’on peut concevoir qu’emballé, vous ne parveniez que bien mal à l’être, il n’en reste pas moins que votre texte sublime a demandé un très gros investissement de votre part (à l’inverse, ne faites pas éditer, afin de lutter à votre mesure contre la déforestation) et doit être… accompagné, travaillé comme un objet de création qui mérite tous les égards.
Si son projet est de l’éditer, l’éditeur ne peut s’absenter de votre texte ; n’en être qu’un simple lecteur et technicien pour une mise en boîte.
Dans une prochaine lettre, nous parlerons un peu de ligne éditoriale et de présentation d’un tapuscrit.
Veuillez agréer, chers auteurs, la considération distinguée que l’on se doit.
© GD2022 pour Fables fertiles