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Une Maison-ligne, des prémices et des auteurs aux lettres fertiles…

À un peu plus d’un trimestre des deux premières parutions inaugurant le catalogue de notre maison d’édition, et quelques semaines après la parution du troisième ouvrage de ce même catalogue Année zéro, les prémices ont comme une fragrance de ce sens antique de “prémices”, considérant ces premières œuvres de natures offertes aux divinités, et tout particulièrement à la divinité Littérature.

© Fables fertiles

Ces premières œuvres sont l’objet d’une grande fierté, en cela que les premiers auteurs de Fables fertiles ont donné ses Lettres à une ligne éditoriale qui fut conçue telle une ligne d’horizon, d’horizon rêvé ; idéale ; idéalisée, destinée, en logique, à s’éloigner à mesure qu’on l’aurait approchée… Mais voici que la ligne se rapprocha.

Ces trois auteurs nous ont en effet permis quelques magnifiques rapprochements et les lecteurs, les critiques, ont d’ailleurs su le pressentir, y ajoutant leur élan ; autant d’appropriations.

Claire Boitel (nota : « La nuit est toi », avril 2022) et Galien Sarde (nota : « Echec, et Mat », avril 2022), tout d’abord, par le détour mystique ici ; mythique là ; par le rêve, ont magnifiquement œuvré pour les dévoilements ; ont donné tout son sens à la fable entendue comme cet ensemble constitutif d’une œuvre qui contient la vérité des légendes, des origines, de ce qui affleure de l’esprit des souvenirs, d’un à venir

Notre regard rétrospectif est que ces deux textes aux voix singulières, assurément bien distinctes, ont en commun cette recherche radicale de vérité à travers les « esquisses de gestes nouveaux » qu’ils offrent au lecteur du fait d’un engagement, total, qui les délocalise comme ils nous délocalisent. « L’espace, rompu, dégage de la fonction sujet, et l’écrivain de ʺs’absenterʺ, de disparaître derrière son œuvre », écrit Karim Nait Ouslimane dans son livre à paraître en octobre[1].

Quand son corps restait languide près des nôtres, qu’elle frôlait, quand sa présence vibrante continuait d’irradier sublimement, son esprit reculait, ses yeux se détournaient, au mieux nous traversaient. Sa grâce en devenait douloureuse, mélange de forces abruptes et de fragilité – à croire qu’elle expirait.

in Echec, et Mat, de Galien Sarde

A découvrir et à redécouvrir leurs textes respectifs, tout autant qu’à apprendre à connaître mieux ces deux auteurs, ce qui marque l’esprit est ce degré d’immersion leur, visant à faire émerger l’œuvre, qui convoque une résonnance toute particulière avec ces mots de Maurice Blanchot (in Le livre à venir, Paris, Gallimard, 1959) à propos de Rousseau et de la littérature, tant les auteurs sont saisis par ce « vice profond et insaisissable » du désir et de la difficulté « d’être vrai[s] », de nourrir « la passion de l’origine, le bonheur de l’immédiat et le malheur » qui peut s’ensuivre ; ce « besoin de communication renversé en solitude, (…) recherche de l’exil (…) ».

Mes joues incendiées, mes prunelles marécage, mes jambes ne sont plus que braises, mes doigts s’entremêlent, mon crâne est un feu d’artifice dans la Grande Nuit.

in La nuit est toi, de Claire Boitel

Joëlle PETILLOT, quant à elle (nota : « Tout autre chose que la nuit », juin 2022), s’illustre et illustre, œuvrant à son tour pour nous rapprocher de la ligne d’horizon, empruntant le détour formel du pas léger, aux fins de nourrir un rapport au monde de l’ordre d’une expérience ; de passages ; de transmissions, en tout amour et pour la vie de vies autres. Des vivants, le mourant ou cet autre mort expérimentent ainsi les dévoilements sous les miroirs – ce à quoi la conscience, point n’accéderait tant qu’elle serait demeurée privée de l’effort introspectif, du regard qui se sait regarder, vraiment.

Ninon s’était installée, et son sourire avait fait le reste.

Elle disait souvent qu’à la première visite, la maison lui avait parlé. Le bois omniprésent, l’escalier en volute, les creux et niches épars où elle avait vu posés ses objets à elle, la pierre des murs qui appelait le chuchotement aux heures de sieste, l’odeur de feu éteint dans la cheminée, cette vie ancienne et révolue, mais là, pourtant, dans le craquement du parquet sous ses pieds ou une armoire-mémoire dressée sur un palier étroit, oui, il y avait bien une vie ici et pour les siècles à venir : la sienne.

in Tout autre chose que la nuit, de Joëlle Pétillot

Fables fertiles gagne ses lettres et salue ses auteurs, faits comme on eût rêvé de les lire et de les vivre sans oser trop y croire ; remercie, vivement, les lecteurs.

Une maison, des rencontres…

GD, pour Fables fertiles

La nuit est toi, avril 2022, broché, 98p., 15€ ;

Echec, et Mat, avril 2022, broché, 168p., 17€ ;

Tout autre chose que la nuit, broché, 144p., 16,50€.


[1] Le voleur de feu – Dib rencontre Deleuze (à paraître le 7 octobre 2022)

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