“un récit comme on rêve d’en écrire…”
Luc Vigier
“cette fable fertile donne à la femme la place fragile des regards ultimes”
Luc Vigier, de L’ITEM (CNRS), est un enseignant-chercheur Maître de conférences de littérature française à l’université de Poitiers. Il y dirige depuis 2008 l’axe Aragon des Ecritures du XXème siècle. Il donne régulièrement sa voix lors de rencontres et colloques et propose de nombreuses chroniques dans le domaine des lettres et des arts.
Un récit contaminé…
L’enseignant-chercheur nous parle de Échec, et Mat de Galien Sarde (Fables fertiles, avril 2022), qu’il place au droit de filiations prestigieuses, “entre Ravage”, le roman de René Barjavel, et “Le Pays où l’on n’arrive jamais”, ce roman d’André D’hôtel que Marc Soriano présenta comme policier contaminé par le “conte de fée” (s’il n’est de fée à proprement parler dans Échec, et Mat, les dimensions onirique ; du mythe, au sein de ce conte moderne, contaminent l’œuvre, assurément) ; il le situe encore entre “Mad Max et Duel”, s’agissant de références cinématographiques, le récit de Galien Sarde empruntant aux codes du Road trip – d’un Road trip à la fois enfiévré et lumineux.
Nos intuitions, notre entendement, nos imaginaires s’enflamment, à la lecture de ce “court et vif roman post-apocalyptique”…
Luc Vigier, à propos de “Echec, et Mat”
“Quelques mots pour saluer ce court et vif roman post-apocalyptique que Maryvonne Le Bec m’a mis entre les mains, et que j’ai lu tout de suite, très vite, celui de Galien Sarde, pseudonyme d’un des amis de cette page, qui signe cette année aux Fables Fertiles un récit comme on en rêve d’écrire adolescent, qu’on tente d’écrire adulte et dont on ne dépasse jamais le premier chapitre. Situé sur le plan du concept entre Ravage et Le Pays où l’on n’arrive jamais, croisant les images archétypales de Mad Max et de Duel, *Echec, et Mat* surprend par son rythme de raod-trip asymptotique et ses cristallisations poétiques : Mat, qui est le prénom du sauveur, du pilote, leader d’une évasion impossible, contient en son nom en effet la domination du Roi et jouxte constamment, aussi optimiste qu’il soit, l’échec de toute échappée en dehors de la Cité. Pas seulement de cette entité politique qui restreint l’Eau en fondant cette restriction sur un mythe supposant sa disparition, mais ce poids de nerfs qui pèse sur la vie des citadins, pris en étau entre ce confort relatif qui les immobilise et le désir d’un ailleurs barré de terreur. Transposition des désarrois contemporains, cette longue nouvelle est à l’image de nos temps: un récit d’angoisse, que l’on pourrait rapporter aussi au domaine des cauchemars tant les paysages étranglés succèdent aux longs couloirs étroits qui ne débouchent sur rien où grouille encore sous terre un peuple défait. Traversée par les figures féminines d’une autre mythologie (Doris l’Oécanide, Phèdre du Minotaure, Eurydice des Enfers), cette fable fertile donne à la femme la place fragile des regards ultimes : elles seront pour les deux hommes embarqués le seul cortège, l’eau dernière, l’eau véritable.”
Luc Vigier, in Le livre des visages*, avril 2022
Echec, et Mat de Galien Sarde, Broché, 168p., prix public TTC : 17€