La Lucarne des écrivains (75019) recevait hier Claire BOITEL pour « La nuit est toi » et Joëlle PETILLOT pour « Tout autre chose que la nuit », leur dernier ouvrage paru aux éditions Fables fertiles.
Les deux auteures/autrices présentèrent leur livre puis donnèrent lectures d’extraits choisis, nourrissant leur présentation respective de regards croisés sur les deux œuvres.
Une troisième parution, « Echec, et Mat », le premier roman de Galien Sarde – ce récit comme fable (nota : des échanges stimulants furent engagés sous l’impulsion de notre hôte et animateur Armel Louis autour des définitions problématisées de « roman » ; de « récit » ; de « nouvelle »…) – fut présenté par l’éditeur, puis des lectures de deux extraits choisis furent également données.
Le public présent, que les températures élevées n’avaient su arrêter, ne montra aucun signe d’apathie et s’inscrivit même joyeusement et finement dans l’échange, sous l’écoute flottante de deux chats Maison parfaitement à leur aise, et nous avec eux.
Ainsi furent mis à l’honneur par les talentueuses Claire BOITEL et Joëlle PETILLOT, les trois premiers titres du jeune catalogue de Fables fertiles ; mis à l’honneur, par-delà, amours en commun de la littérature, de la lecture, du voyage, intérieur ; du voyage.
Une soirée d’échanges et de partages réussie. Merci à La lucarne des écrivains ; à Armel Louis qui nous a réservé bien bel accueil.
D’un mot, relevons pour finir avant de vous laisser à la lecture de trois extraits ces traits caractéristiques bien touchants, parmi bien d’autres, des trois auteurs de Fables fertiles, lesquels n’auraient su faire objet de préméditation… : la générosité et cette absence criante d’effluves égomaniaques qui forment de saisissants contrastes avec leur talent tellement manifeste d’écriture. La maison perçoit de tels humains comme étant les magnifiques ambassadeurs d’un monde à ensemencer largement de toutes autres volées de graines.
Nota : les trois titres du catalogue sont disponibles à la librairie La Lucarne des écrivains.
Extraits :
Trois heures du matin, la nuit posée sur les toits et les remparts me renvoie la note d’oiseaux nocturnes, un vent léger qui fait jouer les volets, et la maison dont le bois craque dans le silence me dit des choses douces. C’est un silence de paix qui s’attarde comme si le temps soudain faisait la pause, une parenthèse dans le chagrin du monde. La nuit les souffrances remontent, quand on ne dort pas. Et elles se font coupantes.
Là, non. Pourtant je pleure quand même dans cette solitude, d’une blessure qui n’est pas la mienne.
in “Tout autre chose que la nuit” de Joëlle PETILLOT, juin 2022, 144p., 16,50€
Je marchais de plus en plus vite, mes muscles s’emballaient. Le caillou en moi devenait transparent, fondait. Je devenais aérien. Je volais.
Des têtes sombres et une pharmacopée de fioles apparurent dans la gueule lumineuse du couchant.
J’étais un fantôme évadé.
in “La nuit est toi” de Claire BOITEL, avril 2022, 94p., 15€
Dans la jeep assoupie, silence et langueur se conjuguent légèrement. Les filles suivent le paysage, Mat renverse sa nuque calmement. Je me sens bien, je suis ému.
J’aimerais figer le temps, le suspendre sur nous quatre, éternellement. Notre intimité équivaut à un mois de vie passé ensemble, à une année entière – je retrouve dans l’instant l’air des souterrains, son temps clos, diffracté, dont je suis nostalgique. Émouvante et fragile, je ressens une chaleur dans l’habitacle paisible, que je laisse m’envahir pleinement. Puissé-je la garder en moi-même, ne jamais l’égarer.
in Echec, et Mat de Galien SARDE, avril 2022, 168p., 17€